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L'INDE
20 avril 2004

Calcutta mardi soir

Depuis …dimanche.

Dimanche midi rencontre avec Parimala (la scientifique qui est à la tête de ce projet), avons déjeuné à midi au Fairlawn, où elle a pris une chambre également.

Après la sieste après-midi dans les rues, halte au café littéraire l'Indian coffee shop. Presque étonné de ne pas y voir Satyajit Ray, tant cela correspond parfaitement au cadre que je me faisais du Calcutta intellectuel…sur le chemin de retour me suis arrêté une heure au bord d'un immense bassin piscine où une foule (comme partout à Calcutta) immobile regardait le soleil se coucher.

Pas du tout étonné que le Kama-sutra soit né dans le coin. Dans la rue même seuls, on ne voit  que ça,  des positions compliqués, et suspendues. J'adore ça ! Il faut ajouter à cela que depuis la montée de la chaleur, la moitié des gens sont à moitié nus.

Dans ce contexte archi-urbain et archi-dense de corps côte à côte tout cela prend une dimension pour les sens absorbante.

En tout cas, les indiens même s'ils sont embêtés par toutes sortes de problèmes savent jouir de l'existence avec une économie de moyens qui me fascine.

Retour de nuit vers la pension. Ai sauté dans un tramway qui selon Parimala date de 1907, tout rouillé et explosé avec des petits temples clignotants dédiés à Kali, Shiva, etc. installés dans chaque voiture.

Dîner avec Parimala. Nous nous sommes tout de suite entendus à merveille. Très atypique pour une indienne et très indienne à la fois. C'est un scientifique, intelligente, très analytique et complètement ouverte sur l'irrationnel. Elle élève un enfant seule, a été longtemps amoureuse d'un acteur de Bollywood, fume cigarettes sur cigarettes, boit beaucoup tous les soirs, argumente un anti-américanisme agréable… et a plusieurs fous rires dans la journée.

Nous prenons tous nos repas ensemble dans cet Hôtel qui comme elle dit « is like a boudoir in the desaster…»

Lundi matin début du travail ensemble.

Réveil à 6h30, nous partons dans une vieille ambassador avec des rideaux roses bonbon à une heure de Calcutta dans le delta.

Le village où nous travaillons n'a rien à voir avec Calcutta. Hors du monde, construit sur l'eau, minuscules maisons en terre et en palmes. Les vieilles femmes sont à moitié torse nu, il y a de l'eau partout, des singes, des chèvres, des canards, et rien d'autre. Les enfants sont nus et passent leur journée dans les étangs, et au milieu de tout ça 3 ordinateurs avec webcams etc.

Nous travaillons tous les matins jusqu'à midi. L'album d'images que je leur ai apporté et donné à chacun fonctionne très bien. Ils me bombardent de questions, passent les pages avec des images indiennes et s'arrêtent longuement sur les images qu'ils n'ont jamais vues. Ils veulent savoir qu'est-ce qu'est Guernica, pourquoi il a été peint, comment, qu'est ce que l'Espagne, à quoi ressemblait Picasso, qui est Kusama, qu'est ce que ça veut dire être artiste, pourquoi le Che Guevara est mort, comment on construit une image sur ordinateur. L'enchaînement de questions est incroyable et rien n'est laissé au hasard, tant que tout n'a pas été identifié…

Parimala filme, note tout… c'est très drôle et génial pour moi aussi de voir tous ces signes revisités et disséqués. Le matin ils embrassent et posent leur feuille de dessin sur le front ce qui selon Parimala signifie qu'ils la considèrent comme l'avatar d'une divinité.

Lorsque je leur ai montré mon image de « Taipei » ils la regardaient en traçant dans l'espace la structure de l'image avec leurs doigts, et quatre minutes après sans la voir, l'ont reproduite de mémoire avec tous les détails…

L'après-midi nous rentrons à Calcutta et travaillons dans nos chambres respectives, Parimala dessine des diagrammes, et des schémas avec des mots et des flèches que je comprends vaguement mais qui me plaisent. Language, aesthétics, measure, list, tool, observe etc… et transcrit tout ce qui a été enregistré en vidéo.

En fin de journée je me plonge dans la rue et ce qui me faisait peur il y a quelques jours me manque si je ne le fais pas.

Frustrant de ne pas pouvoir restituer le délire de la rue, j'ai l'impression de plonger dans un tableau de Bosch + les odeurs + le niveau sonore + la chaleur et mes yeux n'arrivent même pas à enregistrer ce que je vois.

Du chaos mais que de la douceur.

Pas d'ombre, à part ma carte mémoire de mon appareil photo qui est morte ce matin sans raison. J'ai passé trois heures d'adresse en adresse à chercher à acheter une carte dans des immeubles écroulés, des couloirs, et les bazars de plusieurs quartiers par 40° et en ai finalement trouvé une… J'espère que les problèmes techniques se cantonneront à ça.

J'essaie d'envoyer des photos mais le débit est tellement lent à Calcutta que j'ai du mal, je vais réessayer.

Des bises pleines d'encens et de guirlandes clignotantes à tout le monde,

Pascal

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Commentaires
C
chez eux, je l'apprends dans le livre que je donne à Taryck, ce sont les machoires qu'ils se mettent autour du cou
P
Yee, c'est exactement ca calcutta... et Kali aussi que l'on voit cent fois par jour ici, langue pendante, cranes autour du cou, et des cadavres ensanglantes aux pieds. J'adore, tres energetique.<br /> Bises
T
Ce n'est pas tant l'écroulement dont je rêve, mais plutôt la pérenité de la vie dans cette coque somptueusement déglinguée.<br /> je pense tout particulièrement à l'exagramme 48 du Yi King, LE PUIT, qui dit que les puits perdurent mais les villes sur lesquels elles sont construites, naissent, vivent, disparaissent, renaissent...Comme l'Amour.
C
mais si, voilà plein de photos! La porte de ta chambre : j'adore.<br /> Je suis à St Hilaire du Harcouet, pas très loin du mont St Michal pour te situer...<br /> Je vais à Paris cette semaine et essaie de voir Taryck jeudi soir. Je rêve, comme lui, de marcher parmi des immeubles écroulés, mais lui va le faire - sourire<br /> Bizzzzz de la guêpe.
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