J'ai du mal a trouver un titre aujourd'hui

J'ai passé la matinée au temple de Kali, au sud de Calcutta.

C'est un temple pas très beau, de taille normale bien qu'étant le principal temple dédié à Kali.

Seul occidental au milieu d'une foule compacte et habitée par Kali, je me suis fondu doucement dans le mouvement. Les indiens habituellement très calmes, sont habités dans le temple de Kali par une ferveur fébrile qui se voit à leurs gestes, leurs yeux exorbités, les pigments qu'ils ont sur le visage et des états pas du tout habituels assez proches de la transe.

Heureusement un jeune indien m'a aidé à me frayer un passage dans la foule. On marche sur de marbre mouillé et couvert de fleurs d'hibiscus rouges, d'eau et du sang des animaux… ma présence ne semblait gêner personne, au contraire tous les regards étaient bienveillants et pleins de sourires et je me suis retrouvé couvert de pigments comme tout le monde. Je suis passé devant Kali et ai fait mon offrande comme tout le monde aussi, puis le jeune indien m'a trouvé le bord du margelle où j'ai pu m'asseoir sans être au milieu des mouvements de foule. Je suis resté assis une heure au même endroit, face aux deux billots consacrés aux sacrifices. Les indiens défilent devant ces billots, brisent des noix de coco, posent la tête des bébés à l'endroit où tombe la hache, et jettent des monceaux de fleurs. Au bout de trois quart d'heure on a amené un biquette grise, qu'ils ont lavé à grande eau, puis le prêtre torse nu a relevé son dhoti entre ses jambes, des gros tambours se sont mis à frapper, le prêtre a mis la biquette au dessus de sa tête en la présentant à Kali, puis l'a disposée sur le billot. Un autre prêtre a soulevé une longue hache et a tranché la tête d'un coup net. Le sang gicle, la tête est venue rouler à 50 cm de moi avec les yeux qui roulent et le corps plus loin qui gigote. Deux autres biquettes noires ont suivi, j'ai regardé tout ça très calmement en observant au maximum ce qui se passait sur les visages et autour de moi, mais à mon troisième sacrifice j'ai demandé grâce. Je suis allé ensuite autour d'un bassin où les gens s'immergeaient nus et où un prêtre m'a expliqué des choses que j'ai pas très bien compris. Je suis sorti lentement du temple après trois heures. Je suis revenu dans un taxi conduit par un vieux sikh de 83 ans, et de deux mètres de hauteur, avec la cataracte et beaucoup de classe.

Parimala m'a retrouvé à 13 heures sous la véranda du Fairlawn devant un verre de bière content mais passablement ébranlé par le spectacle de la matinée. Elle m'a conseillé un whisky plutôt que de la bière, et de lui raconter en détail tout ce que j'avais vu. Ca lui a tellement plu qu'à l'heure qu'il est, elle est aussi au temple de Kali.

C'est difficile à expliquer mais j'ai compris des choses en voyant ces sacrifices, j'ai compris entre autres choses pourquoi les yeux hallucinés dans le temple ne me font pas peur du tout. Ce ne sont pas des yeux fanatiques mais au contraire, des yeux habités par la jouissance et des choses que je ne saurais nommer correctement.

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Après le déjeuner nous avons décidé d'aller visiter ensemble un vieux palais, le Marble palace. A l'entrée on nous a dit que nous avions besoin d'une autorisation du gouvernement, puis après discussion et un billet de 100 roupies, on nous a autorisé à entrer. Par contre impossible de les faire faiblir pour pouvoir prendre quelques photos. Ca m'a rendu fou de frustration. J'ai toujours aimé les splendeurs écroulées et le Marble Palace est à la hauteur de mes fantasmes. C'est un immense palais de marbre rococo, blanc et bleu clair. Toutes les pièces étaient fermées, ils ont entrouvert les persiennes, et on s'est retrouvé dans une suite de galeries couvertes de stucs, de gigantesques lustres en cristal habités par des pigeons, de murs écaillés, avec des tableaux de Rubens, Reynolds et un magnifique St Sébastien de Murillo, des sculptures de marbres de l'antiquité sous des cloches pleines de poussière, des bustes de la reine Victoria barbouillés de fiente de pigeons, des tables de billards éventrées, des lions renversés dans des plantes desséchées et des indiens endormis en dhoti sur les bergères du 18ème siècle en taffetas vert et or. L'année dernière à Marienbad filmé par Satyajit Ray.

J'ai négocié avec les indiens la permission de me laisser revenir dimanche prochain. Je veux absolument que Taryck voit ça.

Je suis revenu seul, j'ai passé un moment avec un adorable vendeur de thé qui s'est prêté avec beaucoup de plaisir à une petite séance de photo, et me voilà.

Parimala frappe à ma porte de retour du Temple de Kali couverte de pigments et me dit please one whisky…

Une guirlande d'hibiscus pour chacun de vous,

Pascal

Comments

[pascal]

J'en viens! Je t'ai laisse un commentaire sur ton blog a toi. pour les curieux... http://frederika.canalblog.com
des bises encore,

[Frederika]

Pascal, ce récit est fantastique, merci!
De plus, comme tu t'en doutes fort, je ne peux qu'apprécier ce genre de scène...
As-tu vu mon blog pour la Signature? Merci pour tous tes messages avant, c'était un peu alors comme si tu étais là avec moi.
Je t'embrasse.
Frederika