La mousson menace mais ne tombe pas...
Un fait divers arrivé cette semaine au Japon met toutefois en garde. La petite Kyoko (11 ans), après avoir noué un bandeau autour des yeux de sa camarade Mitarai l'a calmement poignardée. A la suite de l'enquête, il est apparu qu'elle était reliée au blog « The Red Room » relatant le même crime
J'ai essayé d'imaginer à partir de là vers quelles pentes irrationnelles mon blog pouvait vous entrainer Grrrrrr !
Cette nuit j'ai eu une longue insomnie, non pas d'angoisse mais de bonne humeur, je ne suis pas habitué à ressentir autant de bien-être à si forte dose et de façon aussi continue. Il faut que j'apprenne à faire avec ! Hé hé
Puisque nous en sommes aux japonais et aux indiens je me disais justement cette nuit qu'ils avaient un certain nombre de choses en commun. Déjà ils s'y prennent de la même façon pour se laver, les foules japonaises et indiennes se ressemblent beaucoup par la fluidité de circulation et l'absence totale d'agressivité, les villes indiennes se rapprochent assez des japonaises en matière de sûreté, ce qui compte tenu de la situation économique de beaucoup d'entre eux me paraît héroïque. Même lenteur dans les mouvements aussi.
Hier après ma longue marche dans le Bombay Victorien derrière Gateway of India, je suis revenu dans un petit taxi, Premium, en longeant le somptueux front de mer de Bombay, Marine Drive C'est démesuré, et magnifique dans la nuit. Des immeubles Art Déco déliquescents face à Chowppati Beach, au loin les enchevêtrements de buildings sur Malabar Hill qui revient en arc de cercle, plus loin les tours du silence des Parsis dont je vous parlerai dans quelques jours. Préparez-vous, c'est pire que « The Red Room ».
Après Cumballa Hill, on longe sur la gauche l'Aji Ali's Mosquée, construite sur la mer, toute blanche et illuminée, puis sur la droite l'hyppodrome de Mahalaxmi, ensuite les bidonvilles de Mahim Bay, puis on prend un pont et on se retrouve sur Bandra, le quartier où j'habite après une heure et quart, et je ne suis qu'au milieu de la presqu'île de Bombay, au dessus il y a Juhu, Santa Cruz, New Bombay etc. etc.
Ce que je me disais cette nuit aussi, c'est que je devenais de plus en plus addict du regard des indiens et que c'était une des principales raisons de mon bien-être.
Je pensais jusqu'alors que ce qui me plaisait c'était de passer du temps à regarder tout ce qui défile dans leurs yeux. J'ai réalisé que ça me plaisait évidemment, mais que ce qui me fait tant de bien ce n'est pas de regarder leurs regards mais d'être regardé par leurs regards.
Leurs regards englobent, enveloppent, traversent et conduit vers quelque chose que j'ai du mal à nommer mais qui se rapprocherait du contraire le l'anonymat, l'existence certainement, tout simplement ! Pas de rejet, ni de défiance dans leur regard et après trois regards comme ça on devient une toute petite particule existante de l'espèce humaine à laquelle on est ravi d'appartenir. Cette sensation est exactement opposée à celle que j'éprouve dans les villes du Nord de l'Europe avec ces non-regards qui me traversent pour m'informer que je n'existe pas et que nous sommes tous hétérogènes.
L'Inde est Queer
Et puis ces regards sont grands ouverts, comme le sont les yeux de leurs dieux, sur des espaces imaginaires baroques.
En rentrant dans ce troisième mois je sens qu'une frontière a été dépassée et que je m'indianise un peu plus en tout cas je ne me sens jamais étranger. Pour la bonne raison déjà, que les indiens sont tellement différents les uns des autres, du Nord à l'Est etc., puis individuellement les uns par rapport aux autres que j'ai l'impression de faire partie de cette mosaïque qui débouche sur l'universel.
Par ailleurs impossible de se sentir excentrique en Inde, car à mesure que l'on s'excentre, le cercle s'agrandit. Là aussi, grand soulagement de ne me sentir jamais décalé quoi qui me passe par la tête
Pour finir avec une anecdote amusante, Parimala qui a l'esprit enclin aux expériences et analyses, s'est rendue compte au fil des semaines que lorsque j'assistais à une longue conversation en Hindi, si à l'issue de cette conversation l'on me demandait ce qui avait été dit, je parvenais à restituer les grandes lignes de ce qui avait été échangé Je ne sais pas comment je m'y prends, mais nous avons répété l'expérience plusieurs fois avec le même succès. Parimala dit que c'est à cause du Sanskrit qui nous est commun
Dolto était bien capable de se faire comprendre par des nourrissons de deux jours, pourquoi je ne comprendrais pas les indiens
Votre bébé indien,
Pascal