Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'INDE
24 juin 2004

Hier matin nous sommes montés dans le train à

Hier matin nous sommes montés dans le train à vapeur qui grimpe avec ses trois voitures 3000 mètres de dénivelé et 90 km en 7 heures. Il existe depuis 1881, et grimpe un peu plus lentement aujourd'hui que dans sa jeunesse. L'intérieur des wagons ressemble au wagon des mystères de l'ouest. Sièges en velours rouges à fleurs, appliques dorées au dessus de chaque siège, rideaux et tapis fleuris aux murs. Les voyageurs sont tous élégants, tuniques en soie, ou costumes à l'anglaise etc. et sur le quai en les regardant attendre avec leurs bagages, je regardais sur le même banc une famille musulmane, des hindous, des siks, une vieille bouddhiste et nous un peu plus loin…

Très rapidement au bout d'une demi heure on quitte la plaine, on pénètre dans la forêt et on commence à monter. Le train traverse à 10-15 km/h les champs de théiers et les villages.

Les habitations sont construites jusqu'à l'extrême limite de la voie, c'est à dire qu'on passe souvent à 30 cm des fenêtres, et que le regard plonge dans des intérieurs visiblement assez douillets. Bois et tapis au sol, avec des familles entières assises qui boivent du thé et regardent le train passer. Bien qu'ayant hésité je suis ravi de voyager dans cette région en pleine mousson. Nous n'avons pas de vues dégagées, mais de grimper au dessus de précipices complètement noyés dans la brume rend le paysage fortement irréel.

C'est d'autant plus irréel qu'à mesure que nous montons, la brume s'épaissit et les villages construits au bord des précipices apparaissent dans la vapeur, avec les drapeaux de prières colorés ; les visages se transforment complètement, les yeux s'étirent en amande, les paupières disparaissent, les saris disparaissent aussi et on commence à voir les épaisses robes tibétaines, les bonnets népalais, sur des visages souriants et d'une sérénité presque inquiétante.

Les gestes sont ralentis et on a l'impression que tout flotte.

Dans chaque gare nous descendions quelques minutes et nous avons échangé quelques mots avec entre autre une famille du Rajasthan qui avait quitté le désert brûlant il y a une semaine en train pour venir visiter les forêts de l'Himalaya pendant la mousson.

Tout le long de la route on croise des enfants en uniforme qui reviennent de l'école, courent et sautent dans le train sur quelques kilomètres, et restent accrochés en suspension aux fenêtres pour rejoindre leurs villages.

Outre le fait que les paysages sont sublimes, ce voyage ressemble au déroulement d'un film.

En sept heures, tout se transforme, on change de peuple, de langue, de religion, de vêtements, de visages etc. c'est la jonction entre l'Inde hindoue et l'Asie bouddhiste.

Nous sommes arrivés en fin d'après-midi à Darjeeling.

Comme Darjeeling n'est pas plus encombré d'étrangers que dans les villes précédentes et que nous sommes toujours les seuls, en sortant du train nous avons pris un taxi pour le plus bel hôtel, le Mayfair, car les hôtels étant déserts en cette saison, on a beaucoup de chances de pouvoir faire baisser les prix. J'avais placé la barre un peu haut, mais armé de patience et pleins d'arguments de toutes sortes je suis arrivé à faire baisser les prix des chambres de 65%, ce qui nous les a rendues abordables…

Du coup nous logeons dans de belles chambres toute en bois, avec cheminée et tapis et une somptueuse vue sur les précipices embrumés de Darjeeling.

Après avoir grillé dans toutes les villes précédentes, la température dans les hymalayas est en nette chute. Cette nuit j'ai été obligé de me blottir sous une couverture et deux épaisseurs d'édredons, c'est une sensation douce.

Ce matin nous sommes partis en direction de deux gompas, (monastères bouddhistes) à quelques kilomètres de Darjeeling, nous avons dû atteindre le second, le bhutia busty gompa, en grimpant sur un sentier et j'ai senti que mes limites d'altitude étaient atteintes. Je suis d'autant plus ravi de pouvoir découvrir ça. Le décor a quelque chose de complètement chinois. Une Chine froide, brumeuse et montagneuse. Nous avons été reçus par un moine de 70 ans qui était arrivé ici à 4 ans, malgré des pèlerinages au Népal, et Tibet… il était très extraverti et nous a tout montré avec réel plaisir. Il nous a même ouvert la bibliothèque avec les manuscrits tibétains en peau de Yack. C'est dans cette bibliothèque qu'a été découvert le fameux livre des morts tibétains.

Au premier étage il nous a présenté au peintre qui réalise les fresques du dalaï lama et qui va de monastères en monastères pour peindre des fresques avec des monstres, des meurtres sanguinolants et des démons de toutes sortes (c'est l'iconographie tibétaine).

Lui, est tout humilité et timidité, et lorsque je lui ai demandé s'il suivait des contraintes ou des modèles de représentation, il m'a dit que non, il laissait sa tête le guider !

Nous sommes redescendus et nous sommes arrêtés dans un village de réfugiés tibétains qui vendent ce qu'ils réalisent pour vivre. Les tibétains sont sombres et très peu rieurs, ce que je peux comprendre avec ce qui leur est arrivé. Ils se sont toutefois, il me semble, pas mal adaptés à leur exil.

Nous sommes redescendus à Darjeeling. Le dénivelé dans la ville est de 600 mètres, je n'ai jamais vu ça, ce qui fait que toutes les rues donnent sur des précipices et que les maisons sont accrochées au dessus du vide.

C'est beau et on se sent très loin. Presque pas d'internet, et hier soir toute communication téléphonique avec l'extérieur était coupée… grrrr

Je vais tenter de poster ce que je viens d'écrire…

De grosses bises à tout le monde et pardon si je ne peux lire vos commentaires, mais je me précipiterai dessus dès mon retour à Calcutta,

Pascal

Publicité
Publicité
Commentaires
C
C'est vraiment son nom ? mortederire MORTEDERIRE!!
C
Curieux comme ce que tu dis sur l'hindouïsme et l'homosexualité paraît à la fois choquant pour la liberté et, en même temps, l'information ne m'étonne pas. Nous savons donc, la dictature sur la pensée, l'enfermement auquel nous sommes soumis et par lequel nous avons soumis les peuples colonisés,nous savons et nous faisons si peu l'effort d'observer gentillement sans juger. La tendance au prosélytisme est partout, nous rassurer en contraignant l'autre à entrer dans notre système de valeurs.
C
Ce système de pensée sclérosant permet de ne pas assumer le fait qu'on peut ne pas avoir d'avis sur une question qui nous dépasse ou sur laquelle nous n'avons pas suffisamment d'information pour prendre une position figée, non évolutive. (Clin d'oeil à Valérie qui a, si justement, souligné ce fait).
C
Par cette approche, on peut également se tromper je pense. Mais il fait appel à l'émotion intime, c'est donc plus intéressant dans la mesure où cela implique plus notre être, nous permet de moins mentir en nous décrochant d'un système de pensée préconstruit qui sert de moule qui nous donne l'illusion d'être rassurés alors qu'il sclérose l'imagination et l'individualité. Ce système sclérosant nous conduit à prendre des positions officielles, à avoir un avis sur tout, sans réfléchir par nous-même.
C
Ce que tu as écris dans "l'odeur de l'inde", les centaines d'informations données dans les mouvements de tête : cela me fait réfléchir à la non information avec l'usage abusif des mots auxquels, souvent, aucun sens précis, aucun contenu ressenti n'est donné. Juste faire du bruit avec la bouche en utilisant un système de langage maîtrisé uniquement dans le "couper-coller", sans faire appel à sa propre réflexion. Toujours se projeter dans un système de références, croyant qu'ainsi on sera mieux accepté...
Publicité